ESCHYLLE is still watching you

Une nouvelle publiée aux Éditions du chemin - La plus grande magie

LA PLUS GRANDE MAGIE

Dictée à mon deux-pattes pour de jeunes lecteurs, cette nouvelle présente deux des personnalités qui comptèrent le plus dans ma vie de l'autre côté. Saurez-vous les reconnaître ? Telle est la question car, dans ce monde de Belmilor où j'ai fini ma vie en enseignant l'Histoire Morale de la Magie, les énigmes furent si nombreuses et les complots, ourdis par les uns et les autres, si intriqués, que la trame du destin, elle-même, a manqué de peu être déchirée pour l'éternité...

Prenez votre temps : lisez un chapitre de temps en temps ! À l'aide du sommaire, vous atteindrez le dernier chapitre lu en cliquant sur le plus haut qui apparaîtra une autre couleur
(N'oubliez pas de cliquer sur le premier même s'il est juste à côté...)

La plus grande magie

1. Un réveil difficile

Dormir ! Bélerin voudrait dormir malgré le soleil !
Les rayons se glissent par les rainures des volets. Les oiseaux s’égosillent au dehors. La forêt chante le printemps revenu. Elle frissonne aux tièdes caresses du vent.

L'enfant enfouit sa tête sous l'oreiller. Doux et chaud, il devient protecteur quand revient la lumière. Les yeux de Bélerin ne supportent pas l’éclat de l’astre du jour. En hiver, il craint les rayons réverbérés par la neige ; au printemps, l’aube le heurte ; en été, les trop longues journées le fatiguent. Seul l’automne le réconcilie avec le monde et le temps. Il peut alors contempler les mille couleurs qu’offre la nature en deuil de l’été.

Pourquoi est-il le seul, parmi tous les enfants du village, à ne pas supporter le soleil ? Pour cette différence, les autres ne l’aiment pas. Il n’a aucun ami. Il a vécu une année difficile à l’école de Kador, le village le plus proche. Ses « camarades » n’ont cessé de se moquer de lui. Il est devenu leur souffre-douleur. Quand sa mère a découvert la situation, elle est allée voir le maître. Ce dernier a passé un sale quart d’heure.
Il n’a personne. Il n’a que Maman. Et Ursus.

Bélerin veut rester dans les brumes voilées du sommeil le plus longtemps possible. Il entend Ursus trottiner ostensiblement sur le parquet. Ursus est un loup, le seul compagnon qu'il connaisse à sa mère. Quand elle part, comme aujourd’hui, tôt le matin, elle lui confie toujours la garde de Bélerin. Il est son père adoptif, en quelque sorte.
L’enfant ne comprend pas ces précautions : il ne risque rien au sein de la forêt. Elle est son second foyer. Tous les animaux connaissent la mère et l’enfant. Une vipère ne le mordrait pas s’il marchait dessus. Il lui est juste interdit d’aller du côté de la vieille tour. Ceux qui s’en approchent disparaissent.

Les gens du village considèrent un peu sa mère comme une sorcière. Non que la magie soit mal vue au sein des Marches Pâles. Des magiciens y ont pignon sur rue comme dans tout le Haut-Royaume de Lear. Mais cette région montagneuse et légèrement enclavée se méfie des différences et des originaux. Et le moins que l’on puisse dire est que sa mère est une originale. Elle habite cette petite maison perdue dans la forêt, loin du monde. Elle l’a construite lors de la venue au monde de Bélerin.

Une langue râpeuse et gluante réussit à se glisser sous les couvertures. Il se lève d’un bond.

— Arrête, tu sais que je n’aime pas ça !

Sa colère ne dure pas. À travers ses paupières entrouvertes, il distingue le loup qui tapote la table avec une de ses pattes. Il ne peut s’empêcher d’écarquiller les yeux : des dizaines de cerises remplissent une jatte de bois.

— Tu n’aurais pas pu le dire plus tôt ! grogne-t-il alors, fier de sa mauvaise foi.

Les premières de l’année ! Maman lui a toujours ménagé de jolies surprises. Il va se régaler.

Il prend place sur son tabouret, devant les belles tranches de pain recouvertes de beurre et de miel. Maman s’est arrangée pour qu’aucune mouche ne puisse se régaler avant lui. Elle a fabriqué une cloche recouverte d’un fin tissu. Ainsi, toute nourriture est à l’abri des oiseaux et insectes qui pourraient avoir l’idée de se goinfrer à son détriment.

Tout en dégustant les tartines moelleuses, il pioche dans la jatte. Les noyaux s’amoncellent autour de son bol de lait. Le pain est cuit par Maman. Le miel est récolté par Maman. Tout est créé ou fabriqué par Maman. Les cerises viennent du côté est de la rivière qui partage le petit village de Kador en deux. Les enfants qui habitent là ont le monopole de cette cueillette. Ils se nomment les « seigneurs » : les cerisiers sont plantés sur les coteaux du château qui domine le village. Il aimerait bien jouer avec eux, mais Tolga, le chef des « seigneurs », ne l’aime pas.

— Tu es un bâtard d’elfe noir ! Les elfes noirs sont des lâches perfides et vils, lui a-t-il lancé la dernière fois qu’ils se sont croisés.

Bélerin a baissé la tête sous les ricanements des autres gamins. Il ne supporte pas la violence alors que tous les enfants de son âge adorent la castagne.

— Les elfes noirs, a expliqué Maman quand il l’a interrogée, ont très mauvaise réputation : ils habitent de somptueuses villes souterraines construites près du centre de la terre. Ils y adorent des dieux maléfiques. Ils sont beaux et aiment la guerre, la destruction et la mort.

— Quelle horreur ! s’est exclamé Bélerin. Ils sont donc le mal absolu ?

— Ils ont cette réputation. Orques et gobelins avaient la même avant de s’intégrer à notre royaume.

— Je déteste me battre et faire le mal, a-t-il ajouté.

— Je sais, mon chéri, l’a rassuré Maman, tu es différent. Mais tu es si beau qu’ils croient que tu es un elfe noir.

— Je ne le suis donc pas ? a-t-il demandé avec anxiété.

— Ai-je l’air d’une elve noir ? a-t-elle souri.

La conversation s’est arrêtée là. Mais il a été soulagé d’apprendre qu’il ne pouvait être un elfe noir.

Un dragon ailé protège le titre « Loin, là-bas »

Petite pause

Vous souhaitez remonter au sommaire ou aller lire mes autres textes ?
Vous souhaitez vous abonner à ma newsletter dans l'espoir de vous faire offrir le ebook de La plus grande magie ?
Vous êtes un deux-pattes et, comme tel, adepte des toilettes plus que de la litière... Il est peut-être temps d'y aller.
Vous voulez connaître la suite ?
Rien de plus simple : poursuivez ici votre lecture !
Mais n'oubliez pas : il est bon pour les deux-pattes de faire des pauses régulières quand ils lisent sur un écran. Et surtout, d'être environnés de lumière !

2. Un bruit étrange venu d’ailleurs

L’empilement des noyaux forme un petit mont. Bélerin décide d’aller au « coin tranquille ». Il prend un pain de savon et s’enfonce dans la forêt, Ursus sur les talons. Où qu’il aille, si Maman n’est pas là, le loup l’accompagne. Il s’arrête un instant au milieu d’une petite clairière. Il écoute. Il reconnaît les cris du rouge-queue noir et du chasseur boréal. Maman lui a tout appris. Il perçoit aussi un fracas familier. C’est le coin tranquille du torrent où il aime se baigner. L’eau y est plus profonde. La cime des arbres ombrage le miroir où il peut se contempler. L’onde est fraîche et revigorante. Il s’y plonge avec délice. Il ferme les yeux pour retrouver la bienfaisante obscurité.

Tous les mouvements de la forêt lui parviennent. Les branches s’agitent doucement. Les oiseaux entassés dans les feuillages touffus s’interpellent en un gazouillis rassurant.

Dans ce vacarme joyeux et printanier, Bélerin perçoit un appel. Il n’a jamais rien entendu de tel. Quelqu’un l’invite à le rejoindre. De cela, il est sûr. Pourquoi ? Il ne sait pas. Mais c’est lui qu’on demande.

Au cours des dix dernières années, Maman lui a enseigné toutes les langues parlées au sein du Haut-Royaume. Il les a retenues avec facilité. Elle le lui a dit : il est doué et possède une excellente mémoire. Il n’y peut rien : ce qu’il entend une fois, il s’en souvient. Il parle couramment l’elfe, le gnome, le nain, ainsi que la langue chantante des petites-personnes. Il peut tenir une conversation en orque et en gobelin.

Le signal reprend, insistant. Bélerin s’essuie, se rhabille et pénètre dans la partie interdite de la forêt. Jamais il n’est allé par là. Ursus gronde sourdement pour marquer sa désapprobation. Il agite sa queue en tous sens. L’enfant revient vers lui, s’agenouille contre son flanc et pose sa main sur le pelage gris.

— Ne t’inquiète pas pour moi, mon vieux. Je veux savoir qui m’appelle.

Le loup répond par un grognement et un coup de langue.

— Espèce de cochon ! lance l’enfant en un éclat de rire.

Il s’éloigne d’un pas décidé en direction de l’inconnu. Les animaux ne semblent pas plus se soucier de la vieille tour que d’une vieille souche. Les futaies sont tout aussi exubérantes de chardonnerets pépiant à tue-tête et de papillons folâtrant à tire-d’aile. L’enfant avance sans difficulté sur quelques centaines de mètres.

Soudain, une ronce s’agrippe à sa tunique. Les brindilles, les branches mortes craquent bruyamment sous ses pieds. Un tronc se dresse devant lui. Un éclat de rire retentit. Il reconnaît une gélinotte.

Il perçoit à nouveau l’appel. Trois notes de musique, soutenues et graves. Elles lui demandent de fermer les yeux. Pourquoi ? Il ne comprend pas mais il obéit.

Les yeux clos, l’enfant se remet en marche. Le sol se fait accueillant à mesure qu’il avance. La nature l’accompagne dans sa progression sensible. Il n’est jamais venu par ici. Cependant, il perçoit la curiosité bienveillante de chaque brin d’herbe, du plus petit insecte.

Il ne sait comment il a acquis cette perception du monde qui l’entoure mais il la ressent au plus profond de lui. À chaque pas, il se sent davantage lié à cette terre sur laquelle il marche, et à toutes ses formes de vies. Il découvre ainsi que les feuilles, et même les tout petits insectes, respirent.

Il perçoit l’instant où ses pieds quittent l’humus de la forêt pour la fraîcheur de la pierre taillée par une antique civilisation. La chanson le guide toujours, douce et chaleureuse. Une note délicate le prévient juste avant qu’il n’aborde un escalier plongeant dans la terre. Il descend, confiant, heureux de ses nouvelles sensations.

Petite pause

Vous souhaitez remonter au sommaire ou consulter le menu ?
Vous avez déjà lu deux chapitres sur votre écran, bravo ! Mais supposez que vous soyez déconnecté, vite : Comment vous faire offrir le ebook de La plus grande magie ?
Abonnez-vous à ma newsletter ! Mais chut ! Ne dites pas à mon deux-pattes que je vous ai soufflé l'idée.
Il n'apprécierait pas...
Vous souhaitez lui faire plaisir ? Lisez le début de son roman L'Arc de la lune,
ou mieux : téléchargez sa version électronique.
Vous voulez poursuivre ici votre lecture ?
Rien de plus simple : faites-le !
Mais n'oubliez pas : il est bon pour les deux-pattes d'aller régulièrement aux toilettes et, quand ils lisent sur un écran, de baigner dans la lumière !

3. Une étrange rencontre

— Bienvenue, jeune Bélerin. Félicitations pour ton courage et ta confiance.

L’enfant écoute, attentif. Qui lui parle ainsi ?

— Tu peux ouvrir les yeux. Tu es arrivé.

Les trois notes retentissent.

— Je ne fais aucun mal à ceux qui me contemplent.

Devant l’ironie affectueuse de ces paroles, il ouvre les yeux. Il est au milieu d’une salle étonnante. Des étagères supportent des ouvrages de toutes tailles. De nombreux récipients en verre emplis de liquides aux couleurs indéfinissables sont empilés sur une table. Des serpentins transparents relient certains de ces appareils.

Face à lui, un chat, affalé sur un gros livre, le considère avec attention. L’enfant se frotte les yeux, les écarquille.

— Non, non, tu n’as pas la berlue, c’est bien moi.

Le félin n’a pas ouvert sa gueule et, pourtant, Bélerin en est sûr, il vient de lui « parler ».

— Ne fais pas cette tête ! Je n’ai rien fait de très compliqué : je me suis adressé à ton esprit. J’aurais pu prendre forme humaine mais je n’avais pas envie de tricher avec toi. Je voulais que tu me voies tel que je suis.

— Qui êtes-vous donc ?

— Je suis un chat, ça ne se voit pas ?

Bélerin ne peut s’empêcher de sourire.

— Je vois bien, mais je n’ai jamais entendu de chat parler.

— Jusqu’à présent, complète l’animal.

— Je vous demande pardon ? dit l’enfant.

— Tu n’a jamais entendu parler un chat jusqu’à présent,.

— Mais… à qui ai-je l’honneur, dans ce cas ?

Le chat éclate de rire dans la tête de Bélerin sans bouger de son livre.

— Appelle-moi le Déchu.

— Je ne comprends pas.

— C’est pourtant simple, grommelle le chat. Le déchu, c’est celui qui n’a plus.

— Qui n’a plus quoi ?

— C’est là toute la question. Il faudra que tu y répondes.

— Quand ?

— Quand tu seras plus grand…

— J’en ai marre, explose alors l’enfant. Ma mère me dit ça tout le temps !

— N’aie pas peur, petit. Un jour, tu seras grand.

L'enfant fixe alors son interlocuteur.

— Vous n’êtes pas un chat comme les autres. Vous êtes magicien !

C’est au tour du chat de contempler l’enfant avec circonspection.

— Qu’est-ce qui te fait affirmer une telle chose ?

— Rien, répond tranquillement Bélerin. Je le vois et je le sens : c’est tout.

— Mon maître ne s’était pas trompé à ton égard : tu es doué.

— Qui est votre maître ?

— Celui qui n’est plus.

— Vous ne parlez que par énigmes ? s’exclame l’enfant.

— Je parle de ce qui est. Tu es le seul, avec un autre que tu rencontreras plus tard, à pouvoir résoudre ces énigmes.

Le chat se dresse encore davantage sur le livre qu’il surplombe.

— Je ne vais pas poursuivre trop longtemps cette conversation qui me comble d’espoir. Écoute-moi attentivement. Tu vas tout oublier de ce lieu, de l’essentiel de notre conversation, mais ce que tu ne dois pas oublier, c’est de prendre ce bouquin.

À ces mots, le chat s’écarte de l’ouvrage sur lequel il trônait et s’installe juste à côté.

— C’est quoi ? demande l’enfant.

— C’est un livre de magie.

Bélerin ne peut résister : il saisit l’ouvrage. À l’instant où ses doigts effleurent le cuir de la couverture du volume, son esprit lui échappe.

Nouvelle petite pause

Vous souhaitez remonter au sommaire ou consulter le menu ?
Cette lecture vous envoûte au point que vous oubliez de télécharger la version électronique de L'Arc de la lune.
Vous avez lu trois chapitres sur votre écran ? Excellent : continuez donc !

4. Un livre mystérieux

Bélerin est allongé dans l’herbe. Il serre quelque chose de lourd et d’épais contre sa poitrine. Il sent une odeur de cuir. Au même instant, une langue râpeuse et gluante s’enroule autour de son nez.

— Ursus, vieux cochon, arrête !

La nuit est tombée. La clarté de la lune suffit à son bonheur pour y voir clair. Il contemple son trésor : un volumineux volume à couverture de cuir ouvragé. Il y a quelque chose d’inscrit sur la tranche. Il n’arrive pas à le déchiffrer.

Soudain, l’enfant réalise : il est tard. Si Maman est rentrée, elle va s’inquiéter. Il se relève, son livre sous le bras, et se dirige à grands pas vers sa maison. La nuit lui permet de se repérer encore mieux qu’en plein jour. Il avise une vieille souche. Il y dépose précautionneusement l’antique ouvrage. Puis il rentre chez lui, Ursus sur les talons.

Au moment de pousser la porte, il n’en mène pas large. Il sent la truffe du loup qui lui presse la jambe. La maison est silencieuse. Maman n’est pas dans la pièce principale.

— Maman ? appelle-t-il, soudain inquiet.

Personne ne lui répond. Sur la table, à la flamme diffuse d’une bougie, il aperçoit une miche de pain, un fromage, une salade et son assiette. Il remarque un papier plié et le lit :

Je dois m’absenter quelques jours. Fais le ménage et la vaisselle. Lave-toi tous les jours. Continue à étudier. Je t’embrasse, mon grand. Maman.

Pourquoi a-t-elle laissé un message quand la parole aurait pu aussi bien convenir ? Elle l’a toujours prévenu longtemps à l’avance quand elle partait.

L’enfant a soif et faim. Il s’écroule sur son tabouret et boit à longs traits. Il dévore le repas préparé avec amour. Ursus, lui, s’est vautré sur le tapis et le surveille du coin de l’œil. Si le loup n’est pas inquiet, c’est que tout va bien.

Sa dernière bouchée avalée, l’enfant retourne à sa cachette pour en extraire le livre et le rapporter. Il le dépose précautionneusement sur la table. Il contemple longuement les caractères étranges inscrits sur le cuir de la couverture. Ils ne lui évoquent rien. Il connaît pourtant de nombreuses langues et beaucoup d’alphabets. Quand Maman ne lui propose pas de longues promenades dans la forêt, elle le pousse à la lecture et à l'étude. Surtout depuis qu’elle a découvert qu’il a appris tout seul à lire et écrire.

Le livre l’attire et lui fait peur à la fois. Il sent que sa destinée va basculer s’il commence à le lire. Ses mains tremblent sans raison. Une fragrance étrange et épicée lui parvient.

Il doit l'ouvrir.

L’enfant soulève la couverture de cuir pour découvrir la première page.

Elle est vierge.

Il la tourne.

La suivante est blanche elle aussi.

Il tourne les pages. Il ne voit rien. Il n’y a rien.

— Ne rien voir ne signifie pas qu’il n’y a rien, entend-il soudain.

D’où vient cette parole ? Il ne connaît pas ce timbre. Il n’est pas malveillant. Comme si le livre était un animal et lui parlait. Comme s’il l’encourageait. Cette voix est celle du livre. Il se raccroche à cette idée. Il ne sait pourquoi : il se représente un chat. Il referme l’ouvrage.

Encore une pause

Vous souhaitez consulter le sommaire ou naviguer vers d'autres cieux ?
Vous avez lu quatre chapitres sur votre écran, vous êtes un héros ! Mais ne vous rendez pas malade, faites-vous offrir le ebook de La plus grande magie !
Vous savez comment : je vous l'ai expliqué à la fin du chapitre précédent.
Mais n'oubliez pas : il est nécessaire pour les deux-pattes de marcher et, quand ils lisent sur un écran, d'être environnés de lumière !

5. Révélations

Un hurlement retentit soudain au-dessus du toit. Bélerin bondit à la porte, le loup sur les talons. La lune est pleine. Sur une branche qui surplombe le chaume, il aperçoit la cause de ce raffut : une chouette, les yeux écarquillés, hulule sous le disque argenté.

Il ferme les yeux. Les bruits nocturnes de la forêt lui parviennent. Tout va bien.

Il rentre dans la maison, les paupières toujours baissées. Il sent le frémissement de la bougie proche de se consumer. Le livre dégage une autre chaleur, douce, apaisante. Il reprend place sur son tabouret. Il s’est souvent déplacé, à l’aveugle, dans la maison, mais aussi dans la forêt. Le livre est pour lui, il le sent, mais il n’est pas encore prêt. Les enfants de son âge ont peur du noir, pas lui. C’est la lumière trop vive qui le blesse. La flamme de la bougie expire en une odeur de cire. Il reste à l’intérieur de lui-même, à l’écoute du monde.

Il se glisse sous la table, se relève doucement, le dos contre le plateau. Il la soulève légèrement et la porte ainsi au-dehors. Il retourne chercher le tabouret qu’il installe devant la table. Il s’y assoit. Il relève ses paupières. La clarté lunaire caresse la terre de sa lueur bienfaisante. Il soulève délicatement la couverture de cuir. La première page apparaît, couverte de caractères. Elle n’est plus blanche. Il a réussi ! Il peut lire sans peine :

La prophétie l’a dit : seul un elfe noir élevé au soleil pourra vaincre le mal prêt à s’étendre sur le monde. J’ai donc écrit ce livre pour que seul un tel être puisse le lire.

Ceci est mon livre de magie.

Toi qui parcours ces lignes, je ne te connais pas et tu ne me connais pas. Mais une relation nous unit : l’amour de l’humanité.

Il te faudra du temps pour assimiler ce que j’ai consigné ici. Ne t’inquiète pas. Tu es destiné à pénétrer les arcanes de la magie. Tu as de longues années devant toi. Tu rencontreras des amis ayant le même amour de la vie. Ils combattront à tes côtés...

Il interrompt sa lecture. Le livre est destiné à un elfe noir ! Pourquoi arrive-t-il à le lire ? Ce n’est pas possible. S’il a bien compris, c’est un livre de sorts qu’il a entre les mains. Il sent son cœur qui s’emballe. Il a toujours rêvé de devenir magicien !

Apprends seul ce que tu peux apprendre. L’âge de raison venu, tu seras immanquablement envoyé à l’Académie de magie. Pendant cette période, consacre-toi à tes études et sois le meilleur. Elles dureront sept années. Il te faudra faire tes preuves pour être initié au niveau supérieur.

Nous ne pourrons jamais nous rencontrer. Si tu lis ces lignes, c’est qu’il m’est arrivé malheur. Ne sois pas triste : nous ne nous sommes jamais connus. Je veillerai sur toi à l’aide de ce livre qui te donnera le meilleur de moi-même...

Bélerin contemple l’ombre qui l’entoure, au sein de cette forêt protectrice. Il ne sait comment ce livre est venu entre ses mains. Il ne connaît pas celui qui l’a écrit. Mais il remercie la vie de lui avoir offert ce présent. L’avenir s’annonce passionnant.

Après ton cycle d’initiation à l’Académie de Magie, tu auras fait de belles rencontres.

Il te faudra alors trouver celui qui fera de toi le mage entre les mages : tu devras choisir un compère. Il sera un animal à quatre pattes. En te liant à lui, tu lui offriras l’esprit et la conscience. De son côté, il te donnera une plus grande puissance magique. Mais si tu le perds, tu perdras plus qu’un ami.

Tu apprendras à l’Académie comment créer le lien. Ce que je te demande, c’est de le faire le lendemain soir de ton retour, dans le village d’où sera issu ton premier ami.

Je te souhaite bon apprentissage et, surtout, bonne chance.

Son premier ami ? Le seul village qu'il connaisse, c’est Kador. C'est là que vit son ennemi principal, Tolga, mais d’ami, il n’en a pas !

Légère pause

Non, cette fois-ci, je ne perturberai pas votre lecture : vous semblez passionné et je respecte cet état.

Vous souhaitez prolonger votre plaisir et vous aimez lire sous un format électronique ?
Réservez L'Arc de la lune d'un seul clic.

6. Premières leçons

Les jours, mais surtout les nuits suivantes, Bélerin découvre qu’il a des pouvoirs qui ne demandent qu’à être réveillés.

Tu as du sang elfe noir, même si tu as été élevé au soleil. Tu peux donc créer et animer des feux follets, user de télékinésie, et transformer ton apparence…

Suivent toute une série d’explications et d’exercices de mise en condition mentale.

Même si ce livre est destiné à un être corrompu, un elfe noir, il ne peut s’en séparer. Il veut réaliser son rêve. Il a le sentiment d'accomplir le mal, mais il ne peut s’en empêcher. Il pourra rendre le livre à son légitime propriétaire s’il vient le réclamer…

Il suit à la lettre les indications données. La plupart de ces exercices doivent se faire les yeux fermés. Il se sent comme un poisson dans l’eau.

Le troisième jour, à la nuit tombée, il s’installe devant la maison. Il pose sur le sol un caillou de la taille de son poing. Il s’assoit, jambes croisées, et il se concentre.

Tu dois atteindre à la minéralité de l’objet que tu veux soulever mentalement, ton esprit doit être celui de cette matière, et alors, tu pourras lui faire effectuer le trajet de ton choix.

Devenir le caillou se révèle enfantin. Il sent qu’il s’élève à une dizaine de mètres du sol. À l’instant où il perçoit sa minéralité, il se retrouve en haut. Mais dès qu’il relâche sa concentration, la pierre retombe. Les jours suivants, il apprend à maintenir l’objet par son esprit tout en restant suffisamment en retrait pour pouvoir le guider.

Le cinquième jour, il réussit à se transformer en orque. Il manque s’enfuir en découvrant son reflet dans le miroir du « coin tranquille » éclairé par la lune.

Le septième jour, Maman rentre. Il réalise qu’il n’a rien mangé depuis longtemps.

— J’ai bien fait de rentrer. Au bout d’un mois, j’aurais retrouvé un squelette ! s’exclame-t-elle.

Mais elle n’insiste pas, heureuse de le voir dévorer le repas concocté pour fêter son retour.

Il laisse passer deux nuits. Le troisième soir, il n’y tient plus : Maman est allée se coucher. Il peut se remettre au travail. Il déplace un caillou par l’esprit, et lui fait même décrire quelques arabesques dans l’espace. Il crée de petites torches qui vont et viennent comme si une dizaine de petites-personnes tournaient autour de la maison. Pour couronner le tout, et parce qu’il se sent en pleine forme, il se transforme en orque. Il palpe son visage pour vérifier qu’il a bien pris leur faciès bestial. Ses mains ont pris la teinte verdâtre de leur peau. Tout en restant concentré pour garder cette apparence, il avise alors le caillou. Il le soulève de quelques centimètres, mais l’effort est si intense qu’il sent la transpiration couler dans son dos.

— Arrête ! hurle Maman.

Sa concentration s’envole dans l’instant. Le caillou retombe sur le sol avec un bruit mat. Il s’écroule dans l’herbe rase, épuisé comme s’il avait couru toute une journée. Maman se penche sur lui au moment où il perd connaissance.

Ne perdez pas de temps avec ces mots, ils sont hors contexte et se contentent de taquiner votre cerveau...

7. Nouvelles révélations

Quand Bélerin revient à lui, le lendemain matin, le jour est levé depuis longtemps déjà. Maman est à son chevet. Son visage est sévère.

— Tu m’as fait peur, hier soir. Ne recommence jamais ça !

L’enfant prend un air innocent tout en baissant les yeux.

— Soulever mentalement un caillou est un acte magique. Transformer son corps est aussi un acte magique. Combiner les deux est une action que seul un très puissant magicien peut réaliser. Elle peut entraîner la mort chez un crétin suffisamment prétentieux pour s’y risquer.

Bélerin reste coi quelques secondes, puis il essaie de contre-attaquer.

— Comment tu sais tout ça ?

Elle lui répond par une question.

— Tu n’as pas été étonné que je parte le jour où tu découvrais ton livre ?

C’est à son tour d’être surpris.

— Tu savais que je l’avais trouvé ?

— J’ai toujours su que tu n’étais pas un enfant comme les autres. Je savais que tu serais appelé pour recevoir ton premier traité de magie. Je sais que ton destin est d’être un grand magicien.

— Tu ne peux savoir, pour le livre, il n’est pas pour moi !

— Oh que si, mon chéri. Il t’est destiné. C’est écrit depuis bien longtemps…

— Mais non, il est destiné à un elfe noir ! éclate Bélerin.

Maman prend sa main dans la sienne. Elle le regarde intensément.

— Tu es un elfe noir, mon chéri.

— Très drôle ! Et donc, toi aussi ?

Elle serre sa main tendrement. Ses yeux plongent dans ceux de l’enfant. Il y lit une douceur infinie.

— Je ne suis pas ta mère.

Il n’entend plus rien. Il a beau être allongé, il tombe dans un gouffre tout noir. Sa vie s’effondre. Dans le lointain, il entend la voix de celle qu’il croyait être Maman.

— Je t’ai recueilli alors que tu étais tout bébé. Il aurait fallu être sourd pour ne pas t’entendre. Le jour dardait à peine ses rayons, et tu protestais, furieux d’être ainsi exposé. Je t’ai aimé au premier regard. Je t’ai pris dans mes bras. Je t’ai emporté chez moi.

Dans ses larmes, il distingue une goutte qui cherche un chemin sur la joue de cette femme. Elle a un sourire attendri.

— Tu es un elfe noir, mon enfant, et la preuve vivante que la malfaisance n’est pas innée, mais bien le fruit d’une culture et d’une éducation.

L’enfant n’en peut plus de tomber. L’inconnu qui lui parle dans le livre ne s’est donc pas trompé ! Il est ce que Tolga avait qualifié de « cancrelat purulent ».

— Tous les elfes noirs sont vils et malfaisants ! Balbutie-t-il avec dégoût.

La femme passe la main dans ses cheveux.

— Tu n’es ni vil ni malfaisant. Tu es et resteras mon enfant.

— Les elfes noirs ont le mal dans le sang ! proteste-t-il encore.

— Comme on disait pour les orques et les gobelins, s’exclame-t-elle alors. Et regarde ! Les protecteurs de notre village sont des gobelins. Ils ont un cœur gros comme ça. Tu as le même ! Peut-être même encore plus gros, ajoute-t-elle avec tendresse.

La chute devient planante. Les mots apaisent, caressent. Les yeux de celle qui les prononce sont emplis d’amour. Elle effleure de sa main libre son front. Il glisse dans les méandres du rêve.

8. Une rencontre imprévue

Après toutes ces révélations, Bélerin se réfugie dans le travail. Heureusement, les jours sont doux et paisibles dans la fraîcheur de la forêt. Chaque soir, dès la nuit tombée, il étudie son livre, il expérimente, il explore ses nouveaux pouvoirs. Depuis quelques nuits, il a fini la première partie, celle qui doit le préparer à l’Académie de Magie. Elle se termine par une mise en garde :

Je te conseille de te confronter aux sortilèges qui suivent après quelques mois au sein de l’Académie, quand tes maîtres t’auront inculqué la discipline mentale nécessaire.

Malgré cette recommandation, il veut découvrir par lui-même ce sortilège dont le titre l’enchante : « Comment faire de votre ennemi un ami ? »

Bélerin déteste les rapports de force. Cette idée de contourner l’épreuve de force, le combat, lui plaît beaucoup. Il pourrait l’utiliser contre Tolga, le chef des « seigneurs », le clan des enfants de la rive est. Habitant la forêt, il devrait y être intégré. Mais l’animosité du jeune chef à son égard l’en empêche.

Amour toujours
Des yeux qui se croisent
C’est un monde qui naît
Tu seras mon ami
Je serai ton ami
La vie l’amour la mort
Le cycle est en nous
Toujours l’amour.

Il aime ces paroles : elles sont simples et claires. Il médite sur la mélodie aux notes subtiles qui permet de distiller le sens en un filet léger et invisible afin d’en envelopper la personne visée.

C’est pour aujourd’hui ! Il a demandé à Ursus de rester à la maison, et le loup lui a obéi. Il a simplement grondé sourdement en découvrant ses crocs. Bélerin a compris qu’il lui souhaitait bonne chance.

Il sait que Tolga va chasser du côté de la vieille forêt. Il en connaît chaque recoin, la moindre cachette. Il va faire de lui son ami, que ce crétin musclé le veuille ou non. Il le prendra par surprise et va en faire la risée de tout le village. Il le charmera. Il prendra ensuite l’apparence d’un orque. Tolga reviendra en disant qu’il a choisi d’être l’esclave d’un orque. Bélerin s’éclipsera alors, laissant Tolga sortir de son enchantement sous les yeux du village.

Un orage a mouillé la forêt, la nuit dernière, et le ciel est couvert. Bélerin a pris place sur la fourche d’un arbre qui surplombe la clairière d’où partent les chasseurs. Caché parmi les hautes branches, il peut voir sans être vu. Il regarde en direction du village, par où va arriver Tolga. La clairière est sombre du fait d’un ciel de plomb. L’autre lourdaud ne devrait plus tarder !

Soudain, il perçoit un mouvement imprévu. Trois ombres se faufilent dans les fourrés. Trois orques ! Ils sont trop discrets pour être animés de bonnes intentions. Ils se camouflent au pied de l’arbre où il est niché.

L’elfe noir ne comprend pas pourquoi il est saisi de tremblements. Ce n’est pas le moment. Il n’a aucune raison d’avoir peur, mais son petit doigt lui dit qu’il est peut-être installé, sans l’avoir désiré, au-dessus d’une embuscade.

Avoir une bonne ouïe et une bonne connaissance des langues présente quelques avantages :

— Vous êtes sûrs qu’il va venir ici ? chuchote une voix en orque.

— La maîtresse a dit qu’il passait toujours par ici quand il partait à la chasse, répond la deuxième dans le même dialecte.

— Pourquoi faire croire à un accident ? grommelle la troisième.

— Parce qu’elle ordonne et que nous obéissons, réplique la deuxième. Si tu veux, je pourrai lui dire que tu as des questions à lui poser…

— C’est bon, je n’ai rien dit, grince la troisième. Si on allait se planquer plutôt là-bas ?

Les trois orques regardent de tous côtés avec méfiance et vont se cacher dans un bosquet.

Bélerin ne peut les laisser agir impunément. Mais comment se concentrer quand la peur noue le ventre ?

Respirer lentement ! Se concentrer et observer.

Soudain, il l’aperçoit qui brille dans les herbes. Elle a des éclats de lumière dus au mica dont elle est couverte. Il se concentre et la fixe intensément. Elle est à une quinzaine de mètres, juste derrière les orques. La sensation d’être cette pierre est très étrange, mais c’est le prix à payer pour la faire s’extraire de la boue. Enfin, elle s’arrache à la fange dont elle est issue et s’élève dans le dos des orques. Il réussit à la maintenir en l’air tout en reprenant possession de ses sens. Il la guide au-dessus des trois brigands. Il ne sait lequel choisir, ni comment être sûr qu’elle tombe pile-poil sur le crâne de l’un des trois.

— Le voilà ! lance l’un d’eux à voix basse.

Bélerin découvre alors leur victime. Déjà costaud pour son âge, c’est un jeune chasseur, un arc en bandoulière. Bélerin le reconnaît. De surprise, il lâche sa concentration.

Une exclamation de douleur retentit.

Un orque contemple avec stupéfaction, après l’avoir portée à son crâne, sa main pleine de sang. Les deux autres le regardent avec colère.

— Qu’est-ce que vous foutez là ?

Le cri a attiré l’attention du promeneur qui s’avance vers les trois brigands. Le fils du seigneur de Ventadour a beaucoup de défauts mais il n’est pas un lâche.

Bélerin ne peut s’empêcher d’admirer le cran de Tolga.

Dernière pause

Vous êtes du genre à abandonner quand vous êtes proche de la ligne d'arrivée, vous ? C'est le moment ! Vous pourrez bondir vers le sommaire ou vous envoler vers un autre azur.
Visiblement, cette nouvelle vous plaît... Vous aimerez donc L'Eschylliade, mes cours d'Histoire Morale de la Magie. Pour les suivre, abonnez-vous à leur feuilleton. Je vous offrirai le ebook de La plus grande magie... Inutile de vous précipiter pour connaître la fin !
Inutile de cliquer avec ardeur pour acheter la version électronique de L'Arc de la lune.

9. Où la magie n’est pas où l’on croit

— Tant pis pour l’accident, butons-le ! souffle le plus hargneux.

Découverts, les trois sortent du fourré qui ne les cache plus à leur victime. Celui qui a le crâne ouvert ne l’entend pas de cette oreille.

— Le ciel va nous tomber sur la tête : j’en ai reçu un morceau !

Le teigneux revient sur ses pas, ramasse la pierre et la met sous le nez du malheureux.

— Elle est pleine de boue, ta pierre venue du ciel !

— Vous ne parlez pas la langue du Haut-Royaume ? interroge Tolga qui ne semble pas avoir compris un mot.

Il est planté à quelques mètres des orques, une flèche encochée sur la corde de son arc. Le revêche s’avance vers lui, les bras dans le dos, avec un grand sourire hypocrite.

— Nous bisidons botre beau troyaume, fait-il avec un accent épouvantable. Nous gergeons un billage où basser la nuit. Bous boutriez nous l’indiguer ?

Derrière lui, l’un de ses complices place une flèche sur son arc court, et se prépare à la décocher.

— Attention ! crie Bélerin.

Les trois orques le repèrent aussitôt. Quel crétin, il va se faire tuer ! Et pour un type qui le déteste.

Le grincheux sort la hache qu’il cache dans son dos. Il montre le poing à Bélerin. Ce faisant, il s’est déplacé et a découvert son camarade qui a aussi lorgné vers l’elfe noir. Tolga aperçoit l’orque à l’arc tendu. Il n’hésite plus. Sa corde vibre. Le brigand s’écroule.

Pendant ce temps, Bélerin voit l’orque au crâne blessé se diriger vers lui.

— C’est toi, sale morveux, qui m’as jeté une pierre sur le crâne ?

Il va monter et le tuer ! C’est trop bête, et tout ça à cause de l’autre abruti !

— Se concentrer et respirer, n’a-t-il cessé de lire et de se réciter tandis qu’il expérimentait les sorts interdits.

Soudain, l’air lui vient, ainsi que les paroles. Bélerin chante en fixant l’orque :

Amour toujours
Des yeux qui se croisent
C’est un monde qui naît
Tu seras mon ami
Je serai ton ami
La vie l’amour la mort
Le cycle est en nous
Toujours l’amour.

Les yeux de sa victime s’embuent d’un coup.

— Qu’est-ce que j’allais faire ? demande-t-il dans sa langue.

— Défendre mon ami qui se fait attaquer là-bas, indique Bélerin, en orque, à l’orque.

En effet, Tolga est aux prises avec l’acariâtre. Il n’a plus qu’un couteau de chasse. Malgré tout son entraînement, son poignard n’est rien face à la hache de son adversaire qui est un rude combattant. En arrière, l’archer, à genoux, pousse des gémissements.

Le « nouvel ami » de Bélerin a saisi une massue et s’approche en silence des deux autres. Pendant ce temps, la descente de l’arbre est plus rapide que son escalade. Bélerin atteint le sol pour voir son « camarade » assommer proprement le colérique. Tolga ne comprend pas. Il regarde l’orque qui vient de lui sauver la vie. Soudain, il aperçoit l’elfe noir.

— C’est toi qui as crié, tout à l’heure ? s’exclame-t-il avec stupéfaction.

— Oui, attends, dit Bélerin en mettant un doigt devant sa bouche.

— Il faut maintenant le ligoter, indique-t-il en orque à son « compagnon » en montrant le teigneux calmé.

— Ah, ça, j’ai ce qu’il faut ! fait l’autre et il se dirige vers son ancien compagnon qui geint toujours à genoux.

— Qu’est-ce que vous avez baragouiné ? demande Tolga, soupçonneux.

— Je lui ai demandé de ligoter son ancien camarade…

— Pourquoi ?

— Parce qu’il est dangereux ! Tu n’as pas remarqué ?

— Ne me prends pas pour un abruti ! s’exclame le jeune guerrier. Pourquoi t’obéit-il ?

— Parce que je lui ai jeté un sort qui fait de lui mon ami.

Tolga ouvre la bouche, puis la referme. Soudain, il devient tout pâle et s’adosse au tronc d’un chêne. Bélerin vient vers lui et lui tend sa gourde.

— Tiens, bois, ça te fera du bien. Tu as livré un rude combat.

Il avale une gorgée et se met à tousser.

— C’est quoi ?

— Une boisson que prépare ma mère pour me requinquer, répond Bélerin avec un sourire.

— C’est bon, mais c’est fort, chuchote Tolga qui en reprend une gorgée.

Il rend la gourde à Bélerin et le fixe longuement. Le jeune elfe noir ne sait que penser. Il regarde en direction du village.

— Et moi qui te prenais pour une tafiole, tu m’as sauvé la vie ! s’exclame enfin le fils du seigneur de Ventadour.

— Tiens, ton ami ne t’obéit plus, on dirait, ajoute-t-il en regardant dans le dos de Bélerin.

Ce dernier se retourne pour apercevoir les orques qui s’enfuient dans les bois, clopinant, et blessés tous les trois. Les deux adolescents croisent leurs regards et éclatent de rire. Le ciel s’est éclairci pendant le combat. Bélerin doit plisser les yeux pour les protéger.

— Ma magie n’a pas duré longtemps, soupire-t-il.

— Excuse-moi mais tu viens de réaliser la plus grande magie que je connaisse, lui réplique Tolga.

— Je me demande bien laquelle, dit-il en haussant les épaules.

— Tu as fait de moi ton ami, et un ami pour la vie.

De ce jour, Bélerin devint un membre à part entière des « seigneurs ». Tolga respecta sa parole. Ces deux adolescents que tout séparait devinrent inséparables. Le jeune elfe noir fut admis au château et put goûter aux somptueuses tartes aux mûres et clafoutis aux cerises composés pour les goûters des enfants par la mère de Tolga.

Fin

Bravo !

Vous avez gagné un moment de plaisir et j'ai pu ainsi ronronner tout mon saoul avec vous. Il est temps pour vous, pour toi, ami lecteur de t'envoler vers d'autres cieux.
Si tu as lu jusqu'au bout, c'est que tu as aimé. Et si tu as aimé, moi, je te tutoie. Et je te conseille de t'abonner à mon feuilleton, tu y trouveras non seulement, chaque semaine, de quoi t'instruire avec mes cours d'Histoire Morale de la Magie, mais aussi des conseils pour écrire, des poèmes et, même, mes élucubrations... Et comme tu as aimé ce texte, je t'offrirai son ebook. Ainsi que celui de L'Arc de la lune. À moins que tu ne désires l'acheter dans l'urgence.