ESCHYLLE is still watching you

Les mémoires d'Eschylle, le chat magicien

Mes autres vies

Préambule

Il est des mondes parallèles que les deux-pattes de ce monde (celui dans lequel tu vis, ô lecteur intrigué par ce que révèle ton écran) ne connaissent pas. Parfois, ils les imaginent mais, le plus souvent, ils les rêvent. Emportés par le flux de ce sommeil dit paradoxal, ils voyagent entre les plans, abordent à des mondes inconnus, éprouvent des émotions qu'ils ne connaîtront jamais dans la "vraie" vie et accomplissent les actions les plus extraordinaires.

Qui, parmi tes semblables, ô deux-pattes accroché à cette terre, les yeux plongés dans cet écran sur lequel tu me lis, n'a jamais accompli, dans son sommeil, des exploits dignes des plus grands héros ? Qui n'a pas séduit le plus beau mâle ou subjugué la plus sublime des femelles deux-pattes ?

Voyage voyage

Passer d'un monde à un autre crée dans le temps et l'espace une ouverture dimensionnelle. Ce clinamen insignifiant au départ peut révéler des distorsions spatio-temporelles déroutantes pour le commun des mortels. Un film deux-pattes a évoqué cette dilatation du temps lorsque l'on change de dimension. Inception, puisqu'il s'agit de cette fiction, ne faisait que reprendre des légendes connues depuis toujours. Déjà, au temps des anciens celtes, quand le monde souterrain s'ouvrait aux élus, lors de la nuit de Samain, ceux qui s'y aventuraient comprenaient combien le temps peut évoluer différemment d'une dimension à une autre.

Pour ma part, entre 2006 et 2008, j'ai disparu de la surface de votre terre.

Une fin douloureuse

Le grand sommeil m'a emporté le 7 novembre 2006, sur la table d'un vétérinaire qui, tandis que mon deux-pattes me caressait avec tendresse et pleurait à chaudes larmes, m'a injecté une dose létale pour « abréger mes souffrances »... Il faut dire que mon corps refusait de s'alimenter depuis plusieurs semaines. Je pourrissais sur place. J'achevais dans la souffrance une vie d'emmerdeur patenté (mais ceci est une autre histoire que je vous raconterai un jour, si vous me suppliez).

Plusieurs vies

Les chats possèdent neuf vies, tout le monde, ou presque, sait ça. Même si sept est un beau chiffre, et que sept vies offriraient un cadre presque mystique à notre évolution, nos neuf vies correspondent à un cycle d'apprentissage. Neuf est un chiffre d'aboutissement qui mène vers une issue. Ce qui ne veut pas dire que nous sommes immortels. C'est d'ailleurs un problème douloureux : certains deux-pattes pensent, de ce fait, qu'ils peuvent nous écorcher sans remord puisque nous renaissons. À cette cruauté deux-pattienne, je souhaite objecter quelques arguments simples : mourir, pour nous, comme pour chacun, peut être une souffrance abominable. D'autre part, quand nous renaissons, nous ne nous souvenons pas toujours de nos anciennes vies. Sauf exception. Je suis l'une de ces exceptions. Ce qui ne signifie en aucune manière que j'aie gardé la mémoire de toutes mes vies passées. Mon premier souvenir remonte à ma naissance en 1989, parce que la vieille chatte acariâtre qui me servait, à cette époque, de presque mère, me l'a raconté.
Je vous parlerai un jour de cette peau de vache féline : elle passait son temps à me flanquer des roustes, dans ma jeunesse, sous prétexte que j'empiétais sur son territoire. Elle m'a bien pourri ma première partie de vie, celle-là ! Cependant, elle m'a appris à me méfier des deux-pattes et à les aimer. Cela peut sembler contradictoire mais c'est ainsi.
Mais je m'égare... Je vous narrerai peut-être un jour cette première vie (dont je me souviens) mais mon propos est ici de vous révéler quelle a été mon existence entre ma disparition en novembre 2006 et ma renaissance fin novembre 2008. Et ça, si vous souhaitez l'apprendre en exclusivité, vous le pourrez...