ESCHYLLE is still watching you

Les formes poétiques sont aussi nombreuses qu'il y a de poètes. Nous donnerons quelques exemples d'acrostiches, de triolets et de vers libres.

Jeux poétiques

Mes acrostiches

La femme est l'avenir de l'homme

Libre à nous de nous moquer
A priori nous sommes pris

Fritures d'âmes rissolées
Ensemencés par l'espoir
Malgré tous nos tourments
Même si parfois notre boussole se démagnétise
Elle est toujours présente en nous.

Elle flotte dans la fumée
Sortant de cette cheminée
Torsadée par le vent.

L'ouragan peut l'emporter
Avec toutes les nuées
Vous la verrez près de vous
En train de vous lire une histoire.
Ne faites pas attention
Inventez la bonne excuse
Récitez tous les versets.

De vous à moi, je vous le dis
Envoûtés pour toujours nous sommes.

L'amour est ce qui nous tient
Houle du temps qui nous enrobe
Ou qui nous replie en cadence
Mais quel qu'en soit le point de vue
Messieurs nous sommes à leurs pieds
Et c'est, ma foi, plutôt plaisant.

L'acrostiche - Définition

L'acrostiche se lit de bas en haut avec la première lettre de chaque vers. Cela permet d'exprimer ce que l'on veut de façon codée.
Je m'explique : ce procédé peut être étendu en lisant le premier mot de chaque vers. Il est aussi possible de multiplier les jeux où le sens du texte ne se révèle qu'en le lisant d'une certaine façon. L'un des exemples les plus célèbres est la lettre qu'adressa George Sand, une célèbre femelle deux-pattes du XIXème siècle, au mâle dont elle s'était éprise : Alfred de Musset.

Belle vie emplie d'amour

Bricoler quelques mots en cadence
Et s'élancer libre dans la danse
Libérer les élans de la transe
Ligoter tous les grondements rances
Et accepter l'étoile de chance

Voici un simple présent
Infime pour les enfants
Et drôle pour l'éléphant

En rêvant, oui, cette histoire
Me fera faire la foire
Parce que je suis un loir
Limité de l’entonnoir
Inconscient et sans espoir
Endormi dans son boudoir

D’habitude les poèmes
Astucieux en théorème
Malicieux même au Carême
Ont un seul refrain : je t’aime
Une exception à ce blême :
Ronronnons pour ceux qui s’aiment…

Un exemple :
La lettre de George Sand à Alfred de Musset

Je suis très émue de vous dire que j'ai
bien compris l'autre soir que vous aviez
toujours une envie folle de me faire
danser. Je garde le souvenir de votre
baiser et je voudrais bien que ce soit
là une preuve que je puisse être aimée
par vous. Je suis prête à vous montrer mon
affection toute désintéressée et sans cal-
cul, et si vous voulez me voir aussi
vous dévoiler sans artifice mon âme
toute nue, venez me faire une visite.
Nous causerons en amis, franchement.
Je vous prouverai que je suis la femme
sincère, capable de vous offrir l'affection
la plus profonde comme la plus étroite
en amitié, en un mot la meilleure preuve
dont vous puissiez rêver, puisque votre
âme est libre. Pensez que la solitude où j'ha-
bite est bien longue, bien dure et souvent
difficile. Ainsi en y songeant j'ai l'âme
grosse. Accourrez donc vite et venez me la
faire oublier par l'amour où je veux me
mettre.

Décryptage

À priori, cette lettre écrite par la pensionnaire d'un couvent est innocente quoique un peu enflammée. Elle est adressée à un poète déjà fort estimé à l'époque.
Vous l'avez lue ?
Bien. Maintenant, relisez-la en sautant une ligne à chaque fois.
Le sens est un peu plus coquin, n'est-ce pas ?
Eh bien, maintenant, lisez la réponse de Musset.

La réponse d'Alfred de Musset

Quand je mets à vos pieds un éternel hommage
Voulez-vous qu'un instant je change de visage ?
Vous avez capturé les sentiments d'un cœur
Que pour vous adorer forma le Créateur.
Je vous chéris, amour, et ma plume en délire
Couche sur le papier ce que je n'ose dire.
Avec soin, de mes vers lisez les premiers mots
Vous saurez quel remède apporter à mes maux.

Autre clé

Cette fois-ci, la forme est encore l'acrostiche. Il suffit de considérer le premier mot de chaque vers pour décrypter la réponse.

De Sand à Musset

Cette insigne faveur que votre cœur réclame
Nuit à ma renommée et répugne à mon âme.

Épilogue

Le dernier mot de George Sand se lit avec la même clé que la lettre précédente de Musset.
Pour mémoire :
Le mésostiche : les lettres médianes du poème forment un mot, donnent un sens.
Le téléstiche : les lettres finales composent un mot qui est parfois lu de bas en haut (et non de haut en bas).
L'acroteleuton combine l'acrostiche et le télestiche.

Tout cela vous donne envie de revenir aux sommaires ? N'hésitez pas.

Calligramme

			R     e      c       t


			gle                 an
					
					

Bon, je ne suis pas très doué pour les petits dessins. Nous dirons donc qu'il vaut mieux, pour vous, aller voir les calligrammes réalisés par Guillaume Apollinaire. Il s'agit de poèmes dont les vers sont disposés de façon à former un dessin évoquant le même objet que le texte.

Les rimes

Le Jour se lève avec les doutes

Le jour a effacé la nuit
À grands coups d’azur moutonneux
Je suis seul devant mon ordi
Dans un état bien cotonneux

Cela fait déjà plusieurs jours
Qu’à mon clavier je suis à court
Mon cerveau n’atteint plus mon doigt
Dans mes pensées je reste coi

J’ai pourtant plein d’histoires prêtes
Qui se bousculent pour la fête
Mais je suis face à mes démons
Qui me retiennent en amont.

Ils me conseillent de douter
D’attendre encore et de rêver
Et de ne surtout pas écrire
Car cela pourrait être pire.

J’ai donc le choix, ou de mourir,
Et c’est fini, ou bien d’écrir,
Dans ce cas-ci tout recommence
Le jour cesse d’être une offense.

Quelques définitions

Ce « Jour » est un vieux texte. Il n'a rien d'extraordinaire mais il va nous permettre de faire connaissance avec les vers , les rimes riches, les rimes pauvres, les rimes croisées, les rimes masculines et féminines.

Ce poème est composé de cinq quatrains.
Les deux premiers sont composés de rimes masculines. Le troisième comporte deux rimes féminines suivies de deux masculines. Le quatrième, ce sont deux masculines suivies de deux féminines, ainsi que le dernier (À noter que « écrire » a été réduit à « écrir » par une licence poétique qui autorise, de fait, la rime avec « mourir »).
Le premier quatrain voit se succéder des rimes plates, le deuxième des rimes croisées, et tous les autres des plates.

Le vers est un fragment d'énoncé formant une unité rythmique définie par des règles concernant la quantité, l'accentuation ou le nombre de syllabes.
Un vers est porteur de musique, par son rythme mais aussi par ses assonnances et ses allitérations ; il est aussi évocateur d'images. Par exemple, le haïku, en chacun de ses trois vers, évoque la nature et une saison et provoque, chez le contemplatif qui le reçoit, une émotion.

Une rime est une disposition de sons identiques à la finale de mots placés à la fin de deux unités rythmiques, élément de versification, procédé poétique que constitue cette homophonie.

C'est bien beau toutes ces rimes, mais je voudrais revenir aux sommaires

Statues au jardin

Dans le jardin couvert de neige
Les statues attendent, cortège
Immobile, tout en guettant
De l’œil les passants inquiétants.
Soudain, l'une d'elle s'ébranle
Elle a repéré celui, en le
découvrant si beau, qui sera
Contre son cœur le scélérat.

Rimes masculines et féminines

Dans ce « Statues au jardin », il y a alternance des rimes féminines et des rimes masculines. Revenons sur ces deux définitions, qui furent au cœur de la prosodie classique française, puisqu'il devait y avoir alternance des masculines et des féminines.
Ronsard l'exprimait déjà au XVIème siècle : Tu dois ici noter que tous les mots français qui se terminent en es ou e lente et sans force et sans son, ou en ent, pluriels des verbes, sont féminins : tous les autres, de quelques terminaisons qu'il puissent être, sont masculins.

Le e muet

Difficile de parler poésie aujourd'hui sans évoquer la diction et, donc, l'expression de la langue française. Dans son Jeu verbal, ou traité de diction française à l'usage de l'honnête homme, Michel Bernardy présente ainsi la VOYELLE BLANCHE:
La voyelle e, que je nomme voyelle blanche quand elle se prononce, car elle contient toutes les sonorités possibles de la voix par la coloration même du souffle nu, s'élide, comme en prose devant toute autre voyelle. Elle disparaît encore, comme en fin de syntagme, en fin de vers dans les rimes dites féminines, où elle est appelée obscure, caduque, muette : As-tu pas bonn(e) envi(e)?
Mais elle persiste dans la coulée du vers devant toute consonne, même s'il y a césure syntaxique (...)

Si vous êtes intéressé, si tu es curieux, ami deux-pattes lecteur, par le traitement oral de la langue, par la diction française, je vous invite, je te convie à lire Le Jeu verbal, de Michel Bernardy, ou à visiter son site : Autour du jeu verbal.

Féminine

La rime féminine honore chaque femme
Il suffit d'une seule et toutes se présentent
Une tiède chaleur, aux courbes séduisantes,
Moule une ombre superbe émergeant de la flamme

Qualité des rimes

Les rimes peuvent posséder les qualités suivantes : riches, suffisantes, ou pauvres.
Dans le quatrain qui précède, composé en seules rimes féminines, embrassées (de la forme ABBA), examinons leur qualité :
La première et la dernière sont suffisantes, quand la deuxième et la troisième sont riches.
Pourquoi ?
Parce que présentent et séduisantes possèdent trois phonèmes en commun, tandis que femme et flamme n'ont que deux sons en commun ( et quel son ! âme...).

Petite remarque : en prosodie classique, il était déconseillé de faire rimer un singulier et un pluriel.

Connaître les contraintes et s'y astreindre un temps permet d'y goûter sa liberté, puis de s'en donner d'autres. Connaître son territoire permet d'y vivre en liberté.

Quels sont les autres propositions des sommaires ?

Chat écrit

Moi qui suis greffier de nuit
La clarté du jour m'éblouit
Je peux jouer à la souris
C'est l'avantage de l'écrit.

Dans ce petit quatrain, le sujet, le narrateur, pourrait être un chat elfe noir mais ce qui nous intéresse ici, à savoir les rimes sont masculines, et sont... pauvres : uit/ouit ou suffisantes ouris/crit. D'autre part, elles sont plates (de la forme AABB).

Mais venons au triolet :

Mon triolet

Je ne suis pas poète

Je ne suis pas poète excepté quand je pète
J’en vais choquer certains, même des libertins.
Qui critique le pet me colle une étiquette :
Je ne suis pas poète excepté quand je pète
Avez-vous écouté le vent de l’oubliette ?
Il chante en bas-latin et fleure bon le thym
Je ne suis pas poète excepté quand je pète
J’en vais choquer certains, même des libertins.

Je ne suis pas poète excepté quand je pète
Pourquoi le critiquer ? Le vent est angélique
Le vrai pet, le pet clair, est une jolie fête
Je ne suis pas poète, excepté quand je pète
Je sais bien que la vesse est critiquée, c’est bête,
Par des esprits grognons, sujets à la colique.
Je ne suis pas poète, excepté quand je pète
Pourquoi le critiquer ? Le vent est angélique.

Je ne suis pas poète excepté quand je pète
Je veux réconcilier le vent avec les anges.
S’il surgit, malvenu, je souffle sous la couette :
Je ne suis pas poète excepté quand je pète
Et le rire jaillit, parmi les galipettes
Et ma jolie mésange me couvre de louanges
Je ne suis pas poète excepté quand je pète
Je veux réconcilier le vent avec les anges.

Le triolet

Composé de huit vers sur deux rimes, le premier, le quatrième et le septième vers du triolet sont identiques, ainsi que les deuxième et huitième vers. Par tradition, il est composé en octosyllabes. Ici, mon deux-pattes l'a écrit en alexandrin (douze syllabes). Il convient, en particulier, au genre satirique.

Poèmes libres

Gare de banlieue

Gare de banlieue
Où passent les trains
Grincement des rails
Grondement d'approche
Long rugissement
Tremblement de quai
Flou de traits diffus
Quai en vis-à-vis
Cloches sonnent dru
Il est déjà loin...

Ce petit texte, ici, ne possède aucune rime. Ses vers sont pentasyllabiques (cinq syllabes) et l'objectif est d'évoquer par le rythme ce que l’œil voit.

...

Que valent les mots aujourd’hui ?
Avalés par les images
Qui les dévorent tous
Dans ce temps qui fuit
Ils disparaissent
Dans l’abîme
Happés
Nus

Suite de baisers

Le baiser est un don, un partage des eaux,
D'êtres si insensés qu'ils se collent ensemble
En étreinte des chairs, en cœurs qui battent l'amble,
Quant aux esprits en feu, y règne le chaos.

Baiser
Fleur déposée
Souffle d'air sur la terre
Flammèche qui surgit dans la nuit
Eau partagée.

Lèvres sépales
Douces charnelles
Qui dansent telles
Un tourbillon
Enlaçant l'âme
En une étreinte
Autour du cœur
Qui bat tout doux.

Quand au puits va la rose
La jarre se remplit
D'une eau pure et sereine
Qui rafraîchit la bouche
D'un baiser velouté.

À l'ombre de tes yeux, je veux, sous tes longs cils,
pénétrer du regard et baiser sur tes lèvres
Toute l'eau du désir et le feu de nos fièvres
Et savourer le chant de tes charmants babils.

Quand sourit le beau masque
C'est la bouche qui parle
Les mots qui s'en échappent
Forment autour du cou
De la belle joueuse
Une écharpe de soie
Qui caresse, douceur !
Ses lèvres alanguies.

Baisers, délicats papillons,
Venez donc butiner la rose
Qui ce matin était éclose,
En un langoureux tourbillon.

Poème en prose

Sang pour cent…

Le pied ne sembla pas s’encastrer dans la sandale sanglante.
Sanglé dans un sampot sang-de-dragon, la Sentinelle, un centaure insensible, se sentit centurion devant la centaine de sangloteurs bruissant et jacassant. Il descendit avec Cendrillon vers ces censeurs, sempiternels valets du sens convalescent.
L’assentiment de la centurie, assemblée au centre, sans sentiment excentrique, fut recensé par ce passant glaçant. Caressant ou cassant, oppressant, menaçant, il centralisa leur sentence, sensible au sentier de la censure centenaire.
Censée sanctifier l’adolescente, l’absence de sentiment fit sensation.
Sensuelle, saisissant un verre de Sancerre, Cucendron sanglota et s’enterra, sanglante, parmi les cent.

Cette réécriture sous forme d'épilogue du conte de Cendrillon et de sa pantoufle de vair, sans en avoir l'air, centre le sens sur le sang.